CULTURE

That’s Wat’Sub — Le Goût du Courage, la Saveur d’Haïti

Dans le tourbillon de la vie, certaines âmes choisissent de se relever plus fortes. À Tampa, Kathleen Jeanty a transformé les tempêtes en tremplin et la nostalgie d’Haïti en mission culinaire. Son restaurant, That’s Wat’Sub, n’est pas qu’un lieu où l’on mange c’est un espace où l’on respire la résilience, où chaque sandwich raconte une renaissance. Entre le parfum du pikliz et la chaleur du pain doré, c’est le goût du courage qu’on savoure à chaque bouchée. 2001 E Hillsborough Ave, Suite 6, Tampa, FL 33610, USA thatswatsub.com “Tout le monde peut vendre un sandwich. Mais tout le monde ne peut pas vendre une histoire de force.” That’s Wat’Sub, c’est plus qu’un goût… c’est une renaissance. De BelFwi à Wat’Sub Même racine, nouvelle floraison Tout a commencé à Port-au-Prince, avec BelFwi :des smoothies frais, des couleurs locales, une promesse simple montrer qu’Haïti peut nourrir le monde de beauté et d’espoir. Puis la tempête est venue. Trois ouragans, des pertes, des nuits blanches. Mais Kathleen n’a pas fui : elle a rebâti. À Tampa, elle a rallumé la flamme, portant avec elle les arômes, la passion et la mission de son île. La Recette du Courage Rien n’arrête une femme habitée par sa vision. Kathleen a prouvé qu’on peut tomber sans jamais se briser. Chaque Sub qu’elle prépare est une déclaration d’amour : “Tu peux recommencer, même après la tempête.” Chez That’s Wat’Sub, on ne vend pas seulement des plats, on sert la force, la foi, et l’identité. Un goût, une mission, une fierté Promouvoir les saveurs d’Haïti le piman, le pikliz, la passion. Créer des ponts entre cultures et générations. Inspirer ceux qui ont dû partir, à ne jamais oublier d’où ils viennent. Chaque client repart avec un morceau d’histoire, une bouchée de soleil, une gorgée de confiance. That’s Wat’Sub Là où les rêves se dégustent Ce n’est pas juste un restaurant. C’est une vitrine d’excellence haïtienne, un laboratoire de résilience, une marque de cœur et d’audace.Kathleen Jeanty incarne cette nouvelle génération d’entrepreneures : celles qui portent leur pays dans leurs mains et leur vision dans leurs yeux. Elle prouve qu’on peut transformer la douleur en puissance, et le souvenir en mission. GOÛTE LE COURAGE, EN DIRECT À TAMPA Viens vivre l’expérience chez That’s Wat’Sub 2001 E Hillsborough Ave, Suite 6, Tampa, FL 33610, USA ? thatswatsub.com Que tu sois de Tampa, de Port-au-Prince, de Montréal ou de Miami, viens goûter ce que la persévérance a de meilleur à offrir. Entre pour un sandwich… repars avec une dose d’inspiration. Mot de la fondatrice “Quand la vie te bouscule, ne te plains pas. Mets un tablier, et fais-en une recette.” — Kathleen Jeanty That’s Wat’Sub, c’est Haïti qui se relève, la diaspora qui innove, et la preuve vivante que le courage, ça se goûte.

Affaire ZAFEM : Dener Ceide tente de faire annuler le jugement rendu à New York

L’affaire judiciaire opposant Dener Ceide à ses anciens collaborateurs autour du nom ZAFEM continue de rebondir devant les tribunaux américains. Selon le journaliste culturel Carel Pèdre, l’avocat du maestro a déposé, le 30 octobre 2025, une requête officielle visant à faire annuler le jugement prononcé quelques semaines plus tôt par un tribunal de New York. Le jugement initial condamnait Dener Ceide à verser un million de dollars à Wiss et Marie Joseph, qui l’accusent d’avoir utilisé illégalement le nom “ZAFEM” à des fins commerciales sans leur consentement. En réponse à cette démarche, Wiss et Marie Joseph ont, le 2 novembre 2025, déposé une opposition accompagnée de plus d’une vingtaine de documents, destinés à défendre la validité du verdict et à prouver que l’usage du nom du groupe leur revenait de plein droit. À ce jour, le juge n’a pas encore statué sur la demande de réouverture du dossier. L’affaire demeure donc en suspens, laissant les fans et les acteurs du milieu musical dans l’incertitude. Ce nouveau développement montre que le conflit autour du groupe ZAFEM, fondé dans la douleur de la séparation entre ses membres, est loin d’être clos. - Analyse et contexte de l’affaire ZAFEM 1. Une bataille d’image autant que de droit L’affaire ZAFEM dépasse la simple querelle juridique : elle symbolise la fragilité des partenariats artistiques dans le milieu musical haïtien, où les questions de propriété intellectuelle et de droits d’auteur sont souvent négligées. Dener Ceide, figure respectée de la musique haïtienne, tente ici de sauvegarder son image et son héritage artistique, tandis que Wiss et Marie Joseph défendent leur identité de cofondateurs du projet. 2. Un jugement lourd de conséquences La condamnation à un million de dollars n’est pas anodine. Elle représente une sanction exemplaire dans un milieu où les différends se règlent rarement devant la justice. Si la décision est maintenue, elle pourrait créer un précédent juridique pour les artistes haïtiens travaillant à l’étranger et encourager la formalisation des contrats entre musiciens. 3. La stratégie de Dener Ceide En demandant l’annulation du jugement, Dener Ceide joue la carte du temps et de la procédure : retarder l’exécution de la sentence, rouvrir la discussion, et peut-être négocier en coulisse. C’est une tactique fréquente dans les affaires de propriété artistique où chaque mot du contrat ou son absence peut tout changer. 4. Une affaire suivie de près par le public Pour les fans, le nom ZAFEM représente plus qu’un groupe : c’est un symbole de renaissance musicale. Ce conflit judiciaire ternit donc une image collective et provoque une fracture émotionnelle au sein du public, partagé entre admiration et désillusion. 5. Enjeux pour la scène musicale haïtienne Cette affaire met en lumière le vide juridique entourant la gestion des groupes musicaux haïtiens. Elle devrait pousser les artistes à se doter de structures légales solides, à enregistrer leurs marques et à clarifier leurs partenariats dès le départ.

Gad Hiram : reportage au cœur des Guédés avec Hougan Anio

L’arrivée et l’atmosphère Aux premières lueurs de l’aube, Gad Hiram, 2ᵉ section communale de Ranquitte, s’éveille sous un ciel d’un bleu tendre. Les collines, baignées de brume, semblent retenir leur souffle, comme pour saluer l’arrivée des fidèles. Des centaines de familles dévalent les sentiers rocailleux, portant des offrandes – rhum, fleurs fraîches, fruits, pain noir – et s’installent autour des autels déjà dressés. L’air est saturé d’un parfum mêlant fumée d’encens, rhum et terre humide, une odeur qui préfigure la rencontre du monde des vivants et des esprits. Les tambours et l’énergie Les tambours rada et petwo commencent à résonner, frappés avec intensité et précision. Le sol tremble légèrement sous les pieds des fidèles, et le son s’élève, vibrant dans la vallée. Chaque battement est comme un cœur collectif, un appel aux esprits qui traversent le voile. Les chants commencent, s’entremêlant, mêlant voix graves et aiguës, murmures et cris de joie, créant un tissu sonore chargé de mémoire et de ferveur. L’entrée des chorales et sociétés mystiques Aux côtés de la Chorale Jeune Délivrance, âgée de 15 ans, d’autres chorales venues de différents temples et sociétés mystiques font leur entrée. Chaque groupe apporte ses chants spécifiques, ses rythmes uniques et ses costumes colorés. Ensemble, toutes les chorales forment un modèle vivant d’unité, prouvant que dans la diversité des pratiques, la communauté se retrouve et se renforce. Les jeunes tournent, sautent, dansent et répondent aux chants avec une synchronisation parfaite, tandis que les adultes observent, encouragent et participent à leur manière. Hougan Anio au centre du rituel Au centre, Hougan Anio, ou Ti Anio, avance avec gravité et autorité. Avec 46 ans d’expérience, il est à la fois prêtre vodou, spécialiste des traitements naturels et cultivateur respecté. Membre de KNVA et de Zantray, il guide les rites avec une poigne douce mais ferme, sa voix résonnant comme un instrument à part entière. Il prononce la parole des esprits, exhortant les participants à abandonner le mal, cultiver l’union et l’amour, et à transmettre ces valeurs aux générations futures. Avec ses milliers de pitit fey, qu’il a élevés dans la tradition, il incarne la continuité, la mémoire et la sagesse. Rituels et offrandes Chaque autel est méticuleusement préparé : rhum, pain noir, fleurs, fruits et bougies sont disposés selon des schémas précis. Hougan Anio se déplace parmi eux, touchant les fronts, murmurant des bénédictions, guidant les chants et ajustant le rythme des tambours. Les fidèles déposent les offrandes avec révérence, offrant aux esprits une nourriture sacrée et symbolique. Certains entrent en transe, leurs corps bougeant au rythme des tambours et des chants, leurs visages illuminés par une expression de communion spirituelle. Les enfants et adolescents, encadrés par les chorales et Hougan Anio, imitent et apprennent, perpétuant les gestes et paroles qui font de Gad Hiram un foyer vivant de traditions ancestrales. Moments de transe et communion À mesure que la journée avance, la transe s’amplifie, les danses deviennent plus rapides, les chants plus intenses. Les fidèles et les esprits semblent se confondre dans une même énergie, créant un moment d’osmose totale. Les tambours continuent de battre, chaque vibration résonnant dans le cœur de tous, rappelant la force de la communauté et la puissance de la mémoire vivante. Un modèle de cohésion et de spiritualité La cérémonie à Gad Hiram n’est pas simplement un rituel : elle est un poème vivant et collectif, où chaque geste, chaque mot, chaque offrandes, chaque danse raconte l’histoire d’un peuple qui honore ses ancêtres et célèbre la vie. La présence des chorales de différents temples et sociétés mystiques aux côtés du Lakou Raisin Kalbas montre que la diversité peut devenir harmonie, et que la tradition vodou est un outil de cohésion et d’unité. Hougan Anio, avec sa sagesse, son énergie et sa bienveillance, reste le phare spirituel de la communauté, guidant les vivants et les morts, les anciens et les jeunes, dans un même souffle de foi et de mémoire. À Gad Hiram, la tradition vit, respire et danse, et chaque année, elle renaît, plus forte, plus vibrante et plus unie que jamais.

Haïti illumine la Foire internationale des Arts des Amériques à Cuenca

Haïti a brillé de mille feux à la Foire internationale des Arts des Amériques, tenue du 28 octobre au 4 novembre 2025 dans la ville coloniale de Cuenca, en Équateur. Pour cette première participation, le pays a conquis le public avec les créations fascinantes des maîtres du métal découpé du Village de Noailles, ce sanctuaire de l’art populaire niché à Croix-des-Bouquets. Les visiteurs ont été littéralement captivés par ces œuvres façonnées à partir de fûts recyclés, métamorphosées en figures mystiques, oiseaux, scènes du quotidien et esprits protecteurs.Chaque sculpture, ciselée avec passion et précision, racontait une histoire : celle d’un peuple résilient, ingénieux, et profondément enraciné dans une tradition artistique qui fait de la récupération une poésie visuelle. Le succès a été fulgurant. En quelques jours, les artistes haïtiens ont écoulé la quasi-totalité de leurs œuvres, suscitant l’admiration des galeristes, des collectionneurs internationaux et de la diaspora haïtienne installée à Cuenca.Une reconnaissance éclatante qui ouvre de nouvelles perspectives de coopération culturelle. L’événement, qui a réuni des créateurs venus d’Argentine, du Chili, du Pérou, du Guatemala et d’Haïti, a même accueilli la visite du président équatorien Daniel Noboa, un geste symbolique qui souligne la portée diplomatique et artistique de la foire. Cette participation remarquable a été rendue possible grâce au soutien conjoint du Ministère haïtien de la Culture et de la Communication, de l’UNESCO et de l’ADAAC, dans le cadre d’un programme d’appui aux artisans du Village de Noailles. Mais au-delà des ventes et des honneurs, c’est une victoire symbolique pour la culture haïtienne. Une manière pour les artistes de Noailles de rappeler au monde que, malgré les épreuves et les cicatrices du pays, la flamme créative d’Haïti ne s’éteint jamais. Elle se forge dans le feu, le métal et l’espoir et s’élève désormais sur la scène culturelle des Amériques comme un hymne à la beauté et à la dignité.

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SANTé

Haïti : alerte sanitaire après le passage de l’ouragan Melissa

Lors de la 28ᵉ édition des #MardisDeLaNation, le Gouvernement à travers son ministre de la santé, Dr Sinal BERTRAND a présenté les mesures mises en œuvre pour contenir cette crise sanitaire. L’accent est mis sur la prévention, la protection des populations vulnérables et la réhabilitation rapide des infrastructures de santé endommagées. Parmi les actions prioritaires : -Assistance immédiate aux populations sinistrées et soutien aux structures sanitaires affectées ; -Campagnes de sensibilisation et prévention, avec un message clair sur l’importance de l’eau potable, de l’hygiène personnelle et de la sécurité alimentaire ; -Opérations d’assainissement et distribution de kits d’hygiène dans les communautés les plus exposées ; -Surveillance sanitaire renforcée, permettant une réaction rapide face aux nouveaux cas et une coordination étroite avec les partenaires locaux et internationaux ; -Mobilisation des équipes médicales pour garantir la prise en charge des malades et la mise en place de centres de traitement temporaires si nécessaire. Le Gouvernement appelle toutes les communautés à rester vigilantes et à coopérer pleinement pour limiter la propagation des maladies. La population est invitée à respecter les mesures d’hygiène, à privilégier l’eau traitée ou bouillie et à signaler toute situation suspecte aux autorités sanitaires. Face à ces défis post-catastrophe, la prévention et la réactivité restent les armes essentielles pour protéger la santé publique et éviter que la situation ne se transforme en crise majeure.

Automédication en Haïti : une bombe silencieuse dans les foyers

Dans une petite pharmacie de Carrefour, une mère tend un billet de 500 gourdes au comptoir. Sans ordonnance, elle repart avec des antibiotiques pour “faire passer la fièvre” de son fils. Ce geste anodin, répété chaque jour dans les quatre coins du pays, illustre un danger invisible : l’automédication, une pratique devenue aussi courante que risquée En Haïti, se soigner soi-même sans avis médical est presque une norme. Pourtant, selon les experts, cette habitude pourrait à long terme affaiblir tout le système de santé. Pour en parler, Radio Télé Voix d’Haïti s’est entretenue avec le Dr André-Louis Bernard, médecin généraliste, professeur d’université et spécialiste en santé publique, formé à Cuba et en Suisse. Qu’est-ce que l’automédication ? Maxime Daniel Etienne (Journaliste) : Docteur Bernard, que signifie exactement “automédication” ? Dr André-Louis Bernard : “L’automédication, c’est le fait de se soigner soi-même sans consulter un professionnel. Cela inclut l’usage de médicaments achetés sans ordonnance, de restes de traitements ou de remèdes traditionnels. Cela peut sembler pratique, mais c’est une habitude dangereuse, surtout lorsqu’elle devient systématique.” « L’automédication n’est pas une solution, c’est une bombe à retardement sanitaire. » Dr Bernard Maxime Daniel Etienne : Quelles sont les principales causes de ce phénomène ? Dr André-Louis Bernard : “Il y en a plusieurs. D’abord, l’accès difficile aux soins : les hôpitaux sont souvent saturés ou trop éloignés. Ensuite, le coût élevé des consultations pousse beaucoup de familles à chercher des alternatives. À cela s’ajoute la facilité d’accès aux médicaments certaines pharmacies vendent sans ordonnance et la tradition des remèdes maison.” Un autre facteur majeur demeure le manque de sensibilisation. Selon une étude menée en 2023 par la Faculté de Médecine de l’Université d’État d’Haïti, plus de 65 % des Haïtiens reconnaissent avoir déjà pris des médicaments sans avis médical. « L’automédication n’est pas un choix individuel. C’est un problème collectif qui menace la santé publique. » Dr Bernard Des risques graves, souvent ignorés Les conséquences de l’automédication sont multiples et parfois irréversibles : Retard de diagnostic : certaines maladies graves passent inaperçues. Surdosage ou intoxication : les anti-inflammatoires et le paracétamol peuvent endommager le foie et les reins. Résistance bactérienne : l’usage abusif d’antibiotiques rend les infections plus difficiles à traiter. Effets secondaires imprévus : allergies, troubles digestifs, hémorragies, voire hospitalisations. Cas concret : “Un adolescent a pris plusieurs antibiotiques pour une fièvre. En réalité, il souffrait d’une infection pulmonaire sévère. Il a été hospitalisé d’urgence et heureusement sauvé, mais cette erreur aurait pu lui coûter la vie.” Dr Bernard Remèdes traditionnels : entre culture et confusion En Haïti, les plantes médicinales occupent une place historique dans les foyers. Si certaines ont des vertus reconnues, leur usage incontrôlé peut s’avérer dangereux. « Les plantes peuvent soulager certains symptômes, mais elles ne remplacent pas un diagnostic médical. Mal utilisées, elles peuvent aggraver l’état du patient. » Dr Bernard Les pharmacies, quant à elles, jouent parfois un rôle ambigu : la vente sans contrôle de médicaments favorise une spirale de dépendance et de faux traitements. Comment réduire ce fléau ? Le Dr Bernard propose plusieurs pistes de solution : 1. Consulter un médecin dès que les symptômes persistent. 2. Éviter l’usage d’antibiotiques sans prescription. 3. Respecter les doses indiquées sur les ordonnances. 4. Renforcer la régulation du secteur pharmaceutique. 5. Multiplier les campagnes de sensibilisation dans les écoles, médias et églises. « La prévention est la meilleure médecine. Informer, c’est déjà soigner. » Dr Bernard Une urgence de santé publique Au-delà des comportements individuels, l’automédication révèle une crise structurelle du système de santé haïtien : hôpitaux sous-équipés, absence de politique nationale sur le médicament, et vide réglementaire permettant la vente libre de produits potentiellement dangereux. « Tant que les médicaments se vendront comme du pain, la santé publique haïtienne restera en sursis. » Dr André-Louis Bernard Conclusion L’automédication en Haïti est plus qu’un réflexe populaire : c’est une bombe silencieuse qui fragilise les familles et compromet les efforts médicaux. Face à ce constat, la solution passe par l’éducation sanitaire, la régulation stricte et la responsabilité collective. Chaque comprimé pris sans avis médical est un pari risqué sur la santé un pari que trop de foyers haïtiens continuent malheureusement de perdre.

publié récemment

Société

Cap-Haïtien, la ville aux mille couleurs qui étouffe sous ses déchets

À chaque averse, la “Perle du Nord” se transforme en un labyrinthe d’eaux sales et de détritus. Canaux bouchés, odeurs nauséabondes, maladies qui rôdent : au Cap-Haïtien, la pluie n’apporte plus la fraîcheur, mais la peur. Quand la pluie devient fléau Le tonnerre gronde, les premières gouttes tombent et en quelques minutes, les rues du Cap-Haïtien se changent en torrents boueux. Les canaux débordent, les trottoirs disparaissent sous les flots, et les habitants fuient les eaux noires qui envahissent maisons et marchés. « Se pa dlo lapli ankò, se dlo fatra ak pwazon ! » Mona, mère de famille à Barrière Bouteille Sur la route principale, des enfants sautent entre les flaques sans se douter du danger. Leurs rires se mêlent à l’odeur du plastique brûlé et de la boue stagnante. Quand le ciel s’éclaircit, la ville reste couverte d’un manteau d’eau sale reflet d’un désordre plus profond. Les canaux étouffés, la ville aussi Les infrastructures de drainage du Cap-Haïtien n’ont pas suivi la croissance urbaine. Certains canaux n’ont pas été curés depuis des années. D’autres servent de dépotoirs improvisés. Résultat : chaque pluie devient un rappel brutal de l’abandon. « L’eau de pluie n’a plus d’issue, alors elle remonte. C’est la ville qui se noie dans sa propre saleté. » Wilner Desrosiers, technicien municipal Sur le boulevard, les motos peinent à circuler. Les marchés ferment, les écoles aussi. Les habitants attendent que l’eau se retire pour reprendre une vie “normale”. Des flaques pleines de maladies Dans ces eaux stagnantes se cachent des milliers de menaces invisibles. Les hôpitaux du Cap enregistrent, après chaque pluie, une hausse notable de fièvres typhoïdes, de diarrhées et d’infections cutanées. « Ce n’est pas une simple inondation, c’est une bombe sanitaire », Dr Marie Line Pierre, pédiatre à l’Hôpital Justinien Les enfants, qui jouent dans la rue, y trempent les pieds. Certains tombent malades quelques jours plus tard. L’eau, censée laver, devient source de contamination. Quand les citoyens prennent le relais Faute d’action durable des autorités, la riposte vient souvent des habitants eux-mêmes. Dans le quartier de Petite-Anse, des groupes de jeunes se mobilisent avant chaque averse pour curer les canaux. « Nou bouke viv nan dlo sal ! Si leta pa fè anyen, nou pral fè li pou kont nou ! » Réginald, membre du collectif Men nan Men pou Kap Pwòp Avec leurs pelles et leur courage, ils libèrent les rigoles. Ces gestes, modestes mais symboliques, rappellent que la solution passe aussi par une responsabilité citoyenne. Le cycle de la négligence Les écologistes dénoncent un cercle vicieux : absence de planification, manque d’entretien, puis catastrophe à chaque saison des pluies. « On ne peut pas attendre la prochaine inondation pour agir », insiste James Pierre, ingénieur environnemental. Il prône le curage régulier des canaux, le tri des déchets et la réhabilitation du système d’évacuation. Mais pour l’instant, le cycle continue : la pluie tombe, l’eau monte, et la ville s’enfonce. Espoir dans la boue Le soir, quand les flots se retirent, les habitants sortent pour balayer, assécher, réparer. Les femmes rincent leurs étals, les hommes dégagent les caniveaux, les enfants aident à ramasser les sacs plastiques. Le Cap-Haïtien, malgré tout, se relève. Et dans la lumière du couchant, entre deux flaques d’eau grise, brille un reflet fragile : celui d’un peuple qui refuse de se noyer dans l’oubli. Les chiffres-clés de la crise 200 tonnes de déchets produites chaque jour au Cap-Haïtien, Moins de 50 % sont effectivement collectées. Plus de 30 quartiers à risque d’inondation à chaque averse, +25 % de cas de maladies infectieuses signalés après les pluies intenses (source : Hôpital Justinien) “L’eau n’est plus un bienfait du ciel. Elle est devenue le miroir de notre abandon collectif.”

Date : 11-Nov-2025
Auteur : Maxime Daniel ETIENNE
Politique

Laurent Saint-Cyr revient du Qatar avec une promesse de financement de 44 millions de dollars pour Haïti

Le président du Conseil présidentiel de transition (CPT), Laurent Saint-Cyr, a présenté lundi 10 novembre 2025, à la Villa d’accueil, le bilan de sa mission officielle au Qatar. Ce déplacement, entamé le 31 octobre, a débouché sur plusieurs engagements concrets en faveur d’Haïti, notamment une promesse de financement de 44 millions de dollars pour soutenir les secteurs de la sécurité, de la santé et du logement. Selon M. Saint-Cyr, le Qatar Fund for Development a confirmé un don global de 44 millions de dollars, dont 10 millions proviendront directement du gouvernement qatari. Ces fonds seront orientés, entre autres, vers la construction de logements destinés aux policiers et aux personnes déplacées internes, ainsi que vers le renforcement du système de santé haïtien. Durant sa visite, le président du CPT a rencontré plusieurs hauts responsables qataris, dont le Premier ministre et ministre des Affaires étrangères, Cheikh Mohammed bin Abdulrahman bin Jassim Al-Thani. Les échanges, qualifiés de « cordiaux et constructifs », ont permis de réaffirmer la volonté du Qatar de renforcer sa coopération avec Haïti, notamment dans les domaines sécuritaire et humanitaire. « Les autorités du Qatar m’ont assuré qu’elles travailleraient aux côtés des États-Unis pour appuyer le déploiement de la force internationale chargée de lutter contre les gangs », a déclaré Laurent Saint-Cyr. Le dirigeant haïtien a également profité de sa participation au Deuxième Sommet mondial pour le développement social pour défendre la cause d’Haïti à la tribune internationale. Il a plaidé en faveur d’une mobilisation accrue de la communauté internationale et souligné l’importance de rendre rapidement opérationnelle la Mission de soutien à la sécurité (GSF). « Le développement social que mérite notre peuple exige avant tout la paix, la stabilité et la sécurité », a-t-il affirmé. Par ailleurs, Laurent Saint-Cyr a rencontré Mgr Eugene Nugent, Nonce apostolique auprès du Qatar, ancien représentant du Saint-Siège en Haïti. Les discussions ont porté sur la nomination rapide d’un nouveau Nonce apostolique à Port-au-Prince et sur la possibilité d’organiser, avec le soutien du Vatican, une Conférence internationale de solidarité pour Haïti. Le président du CPT a insisté sur le rôle historique de l’Église catholique comme acteur de dialogue et de paix dans la vie nationale. À travers ce voyage, Laurent Saint-Cyr entend consolider les partenariats stratégiques nécessaires pour redonner à Haïti les moyens de sa stabilité et de sa reconstruction.

Date : 11-Nov-2025
Auteur : Maxime Daniel ETIENNE
Actualité

BSAP : de gardiens des forêts à bourreaux des citoyens

Créée pour protéger la nature, la Brigade de Sécurité des Aires Protégées (BSAP) devait incarner la conscience verte d’Haïti. Mais à force de dérives, de brutalités et d’arrogance, cette brigade censée surveiller les forêts s’est transformée en un corps armé redouté, agissant sans mandat clair ni contrôle public. Des “écogardes” qui finissent par semer la mort : voilà le triste paradoxe d’une institution devenue symbole d’abus. Une mission noble devenue un prétexte armé Officiellement, la BSAP dépend du Ministère de l’Environnement. Sa mission : -surveiller les aires protégées, -combattre la déforestation, -contrôler la chasse illégale et l’exploitation abusive du bois, -sensibiliser les citoyens à la protection de l’environnement. Mais dans la réalité du terrain, ces idéaux se sont noyés dans la brutalité. Les agents, souvent mal formés, armés et livrés à eux-mêmes, se croient investis d’un pouvoir policier qu’ils n’ont pas. Résultat : des extorsions, des menaces, et désormais… des morts. Trou-du-Nord et Limbé : deux meurtres de trop Le 8 novembre 2025, deux nouvelles bavures ont embrasé le Nord du pays. À Trou-du-Nord, Carmel, une jeune marchande d’œufs, a été abattue par un agent de la BSAP nommé Noël. Le motif ?Un différend banal : elle n’avait rien vendu cette semaine et ne pouvait pas payer la “contribution” exigée par l’agent. Carmel est tombée sous les balles d’une institution censée protéger les arbres, pas tuer les pauvres. L’indignation a explosé : les habitants ont incendié la base locale de la BSAP sur la route du Grand Bassin. Un acte de colère, mais surtout un cri d’épuisement face à une force devenue prédatrice. Le même jour, à Limbé, un jeune conducteur de moto a également été tué par un autre agent de la BSAP. Là encore, la population a réagi dans la fureur, incendiant la base locale, accusant la brigade d’agir comme une milice incontrôlée. Ces deux drames récents confirment ce que tout le monde murmure depuis des mois : La BSAP, censée sauver la nature, détruit des vies humaines. Un historique de dérives inquiétantes Ces deux meurtres ne sont pas des accidents isolés. Depuis plusieurs années, les abus de la BSAP s’accumulent : Date / Lieu Faits rapportés Remarques Janv. 2024 – Port-au-Prince Le gouvernement interdit à la BSAP de circuler armée ou en uniforme dans les villes. Reconnaissance officielle de dérives violentes. Fév. 2024 – Sud-Est Cinq agents BSAP tués par la PNH lors d’un affrontement, trois autres arrêtés. Preuve d’un comportement paramilitaire incontrôlé. Avril 2025 – Plateau Central Accusations d’extorsions, d’enlèvements et de vols par des agents BSAP. Structure criminogène au sein d’un corps d’État. Mai 2025 Nord-Est Plusieurs paysans dénoncent les agents pour rançonnage et menaces armées. Témoignages concordants sur la corruption interne. Nov. 2025 Trou-du-Nord & Limbé Deux civils tués par balles, bases incendiées par la population. Explosion populaire contre la violence et l’impunité. Un corps sans garde-fous L’incohérence du système saute aux yeux : La BSAP n’est pas une force de l’ordre, mais agit comme telle. Ses agents n’ont aucun pouvoir d’arrestation ni de perception d’amendes. Leur formation militaire est quasi inexistante, leur supervision administrative, floue. Le ministère de l’Environnement n’exerce aucun contrôle effectif, laissant place à une milice parallèle déguisée en service public. Les conséquences sont terribles : peur dans les campagnes, méfiance envers les institutions, et effondrement de la mission environnementale. Quand l’État confond protection et répression Sous prétexte de “lutte contre les gangs”, certaines autorités ont cherché à élargir les prérogatives de la BSAP. Erreur stratégique fatale : on ne combat pas l’insécurité en créant une autre forme d’insécurité. Armer une force mal encadrée, c’est légaliser la violence sans justice. Et au lieu de protéger la nature, on militarise la misère. Ce que le peuple exige Assez de slogans écologiques pour couvrir les balles administratives. Le peuple réclame : 1. Une enquête judiciaire indépendante sur les meurtres de Trou-du-Nord et de Limbé. 2. La suspension immédiate des agents impliqués. 3. Une réforme structurelle de la BSAP pour clarifier son mandat. 4. La publication annuelle des rapports d’activités et des budgets. 5. Le retour à sa mission originelle : protéger la nature, pas assassiner des citoyens. Carmel n’est pas un dommage collatéral Carmel vendait des œufs, pas du bois précieux. Elle nourrissait sa famille, pas des trafiquants. Et pourtant, c’est elle qui est tombée, victime d’un système où la force supplante le droit. Sa mort – comme celle du jeune de Limbé – doit devenir le signal d’alarme d’un pays où la “sécurité verte” s’est transformée en cauchemar brun. BSAP : Brigad la pa pou pèp la, men kont pèp la. Haïti mérite des gardiens de la nature, pas des bourreaux déguisés en protecteurs.

Date : 10-Nov-2025
Auteur : Maxime Daniel ETIENNE
Actualité

PNH : un scandale administratif qui met à nu des années de dérive interne

L’image de la Police nationale d’Haïti (PNH) en ressort sérieusement écornée. Un rapport interne, fraîchement publié par la Commission de contrôle et d’analyse des ressources humaines, vient de révéler une série de promotions irrégulières qui secoue le haut commandement. En moins de quinze mois, plus de 6 000 avancements de grade ont été accordés en dehors de tout cadre légal. Créée sur instruction du directeur général André Jonas Vladimir Paraison, cette commission présidée par l’Inspectrice générale Marie Elva Sinora Nassar Pierre avait pour mission de passer au crible la gestion du personnel policier et administratif. Ses conclusions sont sans équivoque : la PNH souffre d’un désordre interne chronique, aggravé par un système de promotions opaque, politisé et déconnecté des normes établies. D’après le rapport, ces irrégularités ont provoqué une inflation de cadres au sein de l’institution et une pression financière insoutenable sur le budget de l’État. Un constat qui fait écho à des avertissements déjà émis par le ministère de l’Économie et des Finances, notamment entre 2019 et 2020, mais restés lettre morte. La commission s’est appuyée sur un arsenal juridique complet Constitution, décrets, règlements internes pour conduire une enquête minutieuse : auditions, vérifications croisées, et délibérations collectives. Les résultats pointent des fautes administratives graves, des passe-droits, et un manque flagrant de contrôle au sein de la direction des ressources humaines. Parmi les recommandations phares : la révision immédiate des promotions suspectes, la réévaluation du manuel du personnel, et la mise en place d’un mécanisme de supervision indépendant afin d’éviter la répétition de tels abus. La composition de la commission incluant Jackson Hilaire, John Games Olivier, Joseph Rolind Jean Louis, Jacques Pierre et Bichara Faustin atteste d’un travail collectif de longue haleine. Leur rapport, froid et factuel, met en lumière un système où la loyauté personnelle semble parfois primer sur la compétence et le mérite. En réaction, le commandant en chef André Jonas Vladimir Paraison s’est engagé à « restaurer la discipline et la crédibilité de la PNH ». Une promesse que beaucoup accueillent avec scepticisme, tant les précédentes tentatives de réforme se sont heurtées à la résistance d’un appareil gangrené par les influences politiques. Derrière les chiffres, une vérité dérangeante : la première force de sécurité du pays peine à se protéger d’elle-même. Et tant que la logique des privilèges l’emportera sur celle du professionnalisme, aucune réforme durable ne sera possible.

Date : 10-Nov-2025
Auteur : Maxime Daniel ETIENNE

A LA UNE

Cap-Haïtien, la ville aux mille couleurs qui étouffe sous ses déchets

À six heures du matin, le soleil grimpe lentement au-dessus des collines du Morne Rouge. Dans les rues du Cap-Haïtien, les balais frottent déjà le bitume. Les premiers vendeurs installent leurs planches, pendant qu’un camion municipal, moteur toussant, tente de remonter la rue 18, bloquée par un amas de détritus. L’odeur est âcre, tenace. Mélange de déchets, d’eau croupie et de sel marin venu du port. La “Perle du Nord” se réveille mais avec un goût d’amertume. Une ville magnifique… ensevelie Cap-Haïtien, avec ses façades colorées, ses balcons en fer forgé et son histoire vieille de trois siècles, garde une beauté fière. Mais cette beauté résiste à grand-peine sous le poids des ordures. Au centre-ville, les trottoirs sont envahis de sacs plastiques gonflés par la chaleur. Dans les ravines, les déchets bouchent le passage de l’eau et transforment les ruelles en marécages dès la première pluie. « Gade kijan nou ap viv… », lâche Marie-France, marchande de fruits au marché Cluny, le visage fatigué. Elle ramasse quelques épluchures avant de les déposer dans un seau. « Chak jou, se menm bagay la. Lè lapli tonbe, fatra yo desann sou nou. Gen tanpèt, men pa gen netwayaj. » Le poids de l’abandon Derrière cette situation, un engrenage de problèmes s’imbrique : manque de camions, absence de plan de gestion des déchets, budget municipal limité, mais aussi indifférence collective. Selon des estimations locales, moins de 45 % des déchets produits chaque jour sont collectés. Le reste finit dans les canaux, sur les plages ou dans la mer. Au marché de Barrière Bouteille, des enfants pataugent dans une flaque d’eau trouble. Un homme les regarde en secouant la tête : « Sa fè mal. Lè ou wè pitit pèp la ap jwe nan fatra, ou konprann kijan nou bezwen chanjman. » Une urgence de santé publique À l’Hôpital Universitaire Justinien, le docteur Wilner Jean voit chaque semaine des cas liés aux conditions insalubres. « Fièvres, diarrhées, infections cutanées… Les maladies environnementales augmentent, surtout après la pluie », explique-t-il. « Le Cap a besoin d’une stratégie durable, pas d’opérations symboliques. » Pendant ce temps, les moustiques prolifèrent dans les eaux stagnantes et les rats circulent librement entre les marchés. La salubrité, ici, n’est pas un luxe : c’est une question de survie. Des citoyens qui refusent de baisser les bras Pourtant, au milieu du chaos, une autre image émerge : celle d’une jeunesse engagée. Sous un soleil de plomb, une trentaine de volontaires de l’association “Nou Pwòp Tou” balaient la route nationale menant à Vertières. Balais à la main, gants usés, ils ramassent plastique après plastique. « Se pa travay fasil », confie Chedline Joseph, étudiante en sciences sociales. « Men si nou pa fè li, kiyès ki pral fè li pou nou ? » Leur action attire les regards. Certains habitants se joignent spontanément à eux, d’autres apportent de l’eau ou des sacs. L’initiative ne résout pas tout, mais elle ravive une étincelle : celle de l’espoir collectif. Entre rêve écologique et réalité urbaine Des ingénieurs et écologistes locaux imaginent déjà un Cap plus vert. L’un d’eux, James Pierre, milite pour une gestion intégrée des déchets. « Si nou kontinye ap jete san reflechi, n’ap pèdi plis pase yon vil. Se lavi nou n’ap gaspiye. » Il plaide pour le tri, le compostage et des projets de recyclage communautaire. Un prototype de centre de tri est en préparation à Petite-Anse, soutenu par un collectif d’entrepreneurs et d’organisations locales. Le Cap du futur se construira avec ses habitants À la tombée du soir, la lumière orangée baigne les façades de la rue 20. Des enfants jouent au ballon entre deux tas d’ordures. L’un d’eux s’arrête, ramasse une bouteille vide et la dépose dans un bac. Geste anodin, mais symbole fort. Le Cap-Haïtien, ville de mémoire et de luttes, porte encore en lui l’esprit de résistance d’Henri Christophe. Aujourd’hui, cette résistance se joue autrement : dans la volonté de rendre la ville propre, digne, respirable. Parce que derrière chaque sac poubelle, il y a une question qui résonne : “Ki imaj n ap kite pou pitit nou yo ?” Quelle image la “Cité du Roi” veut-elle offrir au monde celle d’un passé glorieux enseveli, ou d’une renaissance qui s’écrit, balai après balai ?

Cap-Haïtien, la ville aux mille couleurs qui étouffe sous ses déchets

À chaque averse, la “Perle du Nord” se transforme en un labyrinthe d’eaux sales et de détritus. Canaux bouchés, odeurs nauséabondes, maladies qui rôdent : au Cap-Haïtien, la pluie n’apporte plus la fraîcheur, mais la peur. Quand la pluie devient fléau Le tonnerre gronde, les premières gouttes tombent et en quelques minutes, les rues du Cap-Haïtien se changent en torrents boueux. Les canaux débordent, les trottoirs disparaissent sous les flots, et les habitants fuient les eaux noires qui envahissent maisons et marchés. « Se pa dlo lapli ankò, se dlo fatra ak pwazon ! » Mona, mère de famille à Barrière Bouteille Sur la route principale, des enfants sautent entre les flaques sans se douter du danger. Leurs rires se mêlent à l’odeur du plastique brûlé et de la boue stagnante. Quand le ciel s’éclaircit, la ville reste couverte d’un manteau d’eau sale reflet d’un désordre plus profond. Les canaux étouffés, la ville aussi Les infrastructures de drainage du Cap-Haïtien n’ont pas suivi la croissance urbaine. Certains canaux n’ont pas été curés depuis des années. D’autres servent de dépotoirs improvisés. Résultat : chaque pluie devient un rappel brutal de l’abandon. « L’eau de pluie n’a plus d’issue, alors elle remonte. C’est la ville qui se noie dans sa propre saleté. » Wilner Desrosiers, technicien municipal Sur le boulevard, les motos peinent à circuler. Les marchés ferment, les écoles aussi. Les habitants attendent que l’eau se retire pour reprendre une vie “normale”. Des flaques pleines de maladies Dans ces eaux stagnantes se cachent des milliers de menaces invisibles. Les hôpitaux du Cap enregistrent, après chaque pluie, une hausse notable de fièvres typhoïdes, de diarrhées et d’infections cutanées. « Ce n’est pas une simple inondation, c’est une bombe sanitaire », Dr Marie Line Pierre, pédiatre à l’Hôpital Justinien Les enfants, qui jouent dans la rue, y trempent les pieds. Certains tombent malades quelques jours plus tard. L’eau, censée laver, devient source de contamination. Quand les citoyens prennent le relais Faute d’action durable des autorités, la riposte vient souvent des habitants eux-mêmes. Dans le quartier de Petite-Anse, des groupes de jeunes se mobilisent avant chaque averse pour curer les canaux. « Nou bouke viv nan dlo sal ! Si leta pa fè anyen, nou pral fè li pou kont nou ! » Réginald, membre du collectif Men nan Men pou Kap Pwòp Avec leurs pelles et leur courage, ils libèrent les rigoles. Ces gestes, modestes mais symboliques, rappellent que la solution passe aussi par une responsabilité citoyenne. Le cycle de la négligence Les écologistes dénoncent un cercle vicieux : absence de planification, manque d’entretien, puis catastrophe à chaque saison des pluies. « On ne peut pas attendre la prochaine inondation pour agir », insiste James Pierre, ingénieur environnemental. Il prône le curage régulier des canaux, le tri des déchets et la réhabilitation du système d’évacuation. Mais pour l’instant, le cycle continue : la pluie tombe, l’eau monte, et la ville s’enfonce. Espoir dans la boue Le soir, quand les flots se retirent, les habitants sortent pour balayer, assécher, réparer. Les femmes rincent leurs étals, les hommes dégagent les caniveaux, les enfants aident à ramasser les sacs plastiques. Le Cap-Haïtien, malgré tout, se relève. Et dans la lumière du couchant, entre deux flaques d’eau grise, brille un reflet fragile : celui d’un peuple qui refuse de se noyer dans l’oubli. Les chiffres-clés de la crise 200 tonnes de déchets produites chaque jour au Cap-Haïtien, Moins de 50 % sont effectivement collectées. Plus de 30 quartiers à risque d’inondation à chaque averse, +25 % de cas de maladies infectieuses signalés après les pluies intenses (source : Hôpital Justinien) “L’eau n’est plus un bienfait du ciel. Elle est devenue le miroir de notre abandon collectif.”

Laurent Saint-Cyr revient du Qatar avec une promesse de financement de 44 millions de dollars pour Haïti

Le président du Conseil présidentiel de transition (CPT), Laurent Saint-Cyr, a présenté lundi 10 novembre 2025, à la Villa d’accueil, le bilan de sa mission officielle au Qatar. Ce déplacement, entamé le 31 octobre, a débouché sur plusieurs engagements concrets en faveur d’Haïti, notamment une promesse de financement de 44 millions de dollars pour soutenir les secteurs de la sécurité, de la santé et du logement. Selon M. Saint-Cyr, le Qatar Fund for Development a confirmé un don global de 44 millions de dollars, dont 10 millions proviendront directement du gouvernement qatari. Ces fonds seront orientés, entre autres, vers la construction de logements destinés aux policiers et aux personnes déplacées internes, ainsi que vers le renforcement du système de santé haïtien. Durant sa visite, le président du CPT a rencontré plusieurs hauts responsables qataris, dont le Premier ministre et ministre des Affaires étrangères, Cheikh Mohammed bin Abdulrahman bin Jassim Al-Thani. Les échanges, qualifiés de « cordiaux et constructifs », ont permis de réaffirmer la volonté du Qatar de renforcer sa coopération avec Haïti, notamment dans les domaines sécuritaire et humanitaire. « Les autorités du Qatar m’ont assuré qu’elles travailleraient aux côtés des États-Unis pour appuyer le déploiement de la force internationale chargée de lutter contre les gangs », a déclaré Laurent Saint-Cyr. Le dirigeant haïtien a également profité de sa participation au Deuxième Sommet mondial pour le développement social pour défendre la cause d’Haïti à la tribune internationale. Il a plaidé en faveur d’une mobilisation accrue de la communauté internationale et souligné l’importance de rendre rapidement opérationnelle la Mission de soutien à la sécurité (GSF). « Le développement social que mérite notre peuple exige avant tout la paix, la stabilité et la sécurité », a-t-il affirmé. Par ailleurs, Laurent Saint-Cyr a rencontré Mgr Eugene Nugent, Nonce apostolique auprès du Qatar, ancien représentant du Saint-Siège en Haïti. Les discussions ont porté sur la nomination rapide d’un nouveau Nonce apostolique à Port-au-Prince et sur la possibilité d’organiser, avec le soutien du Vatican, une Conférence internationale de solidarité pour Haïti. Le président du CPT a insisté sur le rôle historique de l’Église catholique comme acteur de dialogue et de paix dans la vie nationale. À travers ce voyage, Laurent Saint-Cyr entend consolider les partenariats stratégiques nécessaires pour redonner à Haïti les moyens de sa stabilité et de sa reconstruction.

BSAP : de gardiens des forêts à bourreaux des citoyens

Créée pour protéger la nature, la Brigade de Sécurité des Aires Protégées (BSAP) devait incarner la conscience verte d’Haïti. Mais à force de dérives, de brutalités et d’arrogance, cette brigade censée surveiller les forêts s’est transformée en un corps armé redouté, agissant sans mandat clair ni contrôle public. Des “écogardes” qui finissent par semer la mort : voilà le triste paradoxe d’une institution devenue symbole d’abus. Une mission noble devenue un prétexte armé Officiellement, la BSAP dépend du Ministère de l’Environnement. Sa mission : -surveiller les aires protégées, -combattre la déforestation, -contrôler la chasse illégale et l’exploitation abusive du bois, -sensibiliser les citoyens à la protection de l’environnement. Mais dans la réalité du terrain, ces idéaux se sont noyés dans la brutalité. Les agents, souvent mal formés, armés et livrés à eux-mêmes, se croient investis d’un pouvoir policier qu’ils n’ont pas. Résultat : des extorsions, des menaces, et désormais… des morts. Trou-du-Nord et Limbé : deux meurtres de trop Le 8 novembre 2025, deux nouvelles bavures ont embrasé le Nord du pays. À Trou-du-Nord, Carmel, une jeune marchande d’œufs, a été abattue par un agent de la BSAP nommé Noël. Le motif ?Un différend banal : elle n’avait rien vendu cette semaine et ne pouvait pas payer la “contribution” exigée par l’agent. Carmel est tombée sous les balles d’une institution censée protéger les arbres, pas tuer les pauvres. L’indignation a explosé : les habitants ont incendié la base locale de la BSAP sur la route du Grand Bassin. Un acte de colère, mais surtout un cri d’épuisement face à une force devenue prédatrice. Le même jour, à Limbé, un jeune conducteur de moto a également été tué par un autre agent de la BSAP. Là encore, la population a réagi dans la fureur, incendiant la base locale, accusant la brigade d’agir comme une milice incontrôlée. Ces deux drames récents confirment ce que tout le monde murmure depuis des mois : La BSAP, censée sauver la nature, détruit des vies humaines. Un historique de dérives inquiétantes Ces deux meurtres ne sont pas des accidents isolés. Depuis plusieurs années, les abus de la BSAP s’accumulent : Date / Lieu Faits rapportés Remarques Janv. 2024 – Port-au-Prince Le gouvernement interdit à la BSAP de circuler armée ou en uniforme dans les villes. Reconnaissance officielle de dérives violentes. Fév. 2024 – Sud-Est Cinq agents BSAP tués par la PNH lors d’un affrontement, trois autres arrêtés. Preuve d’un comportement paramilitaire incontrôlé. Avril 2025 – Plateau Central Accusations d’extorsions, d’enlèvements et de vols par des agents BSAP. Structure criminogène au sein d’un corps d’État. Mai 2025 Nord-Est Plusieurs paysans dénoncent les agents pour rançonnage et menaces armées. Témoignages concordants sur la corruption interne. Nov. 2025 Trou-du-Nord & Limbé Deux civils tués par balles, bases incendiées par la population. Explosion populaire contre la violence et l’impunité. Un corps sans garde-fous L’incohérence du système saute aux yeux : La BSAP n’est pas une force de l’ordre, mais agit comme telle. Ses agents n’ont aucun pouvoir d’arrestation ni de perception d’amendes. Leur formation militaire est quasi inexistante, leur supervision administrative, floue. Le ministère de l’Environnement n’exerce aucun contrôle effectif, laissant place à une milice parallèle déguisée en service public. Les conséquences sont terribles : peur dans les campagnes, méfiance envers les institutions, et effondrement de la mission environnementale. Quand l’État confond protection et répression Sous prétexte de “lutte contre les gangs”, certaines autorités ont cherché à élargir les prérogatives de la BSAP. Erreur stratégique fatale : on ne combat pas l’insécurité en créant une autre forme d’insécurité. Armer une force mal encadrée, c’est légaliser la violence sans justice. Et au lieu de protéger la nature, on militarise la misère. Ce que le peuple exige Assez de slogans écologiques pour couvrir les balles administratives. Le peuple réclame : 1. Une enquête judiciaire indépendante sur les meurtres de Trou-du-Nord et de Limbé. 2. La suspension immédiate des agents impliqués. 3. Une réforme structurelle de la BSAP pour clarifier son mandat. 4. La publication annuelle des rapports d’activités et des budgets. 5. Le retour à sa mission originelle : protéger la nature, pas assassiner des citoyens. Carmel n’est pas un dommage collatéral Carmel vendait des œufs, pas du bois précieux. Elle nourrissait sa famille, pas des trafiquants. Et pourtant, c’est elle qui est tombée, victime d’un système où la force supplante le droit. Sa mort – comme celle du jeune de Limbé – doit devenir le signal d’alarme d’un pays où la “sécurité verte” s’est transformée en cauchemar brun. BSAP : Brigad la pa pou pèp la, men kont pèp la. Haïti mérite des gardiens de la nature, pas des bourreaux déguisés en protecteurs.

POLITIQUE

Laurent Saint-Cyr revient du Qatar avec une promesse de financement de 44 millions de dollars pour Haïti

Le président du Conseil présidentiel de transition (CPT), Laurent Saint-Cyr, a présenté lundi 10 novembre 2025, à la Villa d’accueil, le bilan de sa mission officielle au Qatar. Ce déplacement, entamé le 31 octobre, a débouché sur plusieurs engagements concrets en faveur d’Haïti, notamment une promesse de financement de 44 millions de dollars pour soutenir les secteurs de la sécurité, de la santé et du logement. Selon M. Saint-Cyr, le Qatar Fund for Development a confirmé un don global de 44 millions de dollars, dont 10 millions proviendront directement du gouvernement qatari. Ces fonds seront orientés, entre autres, vers la construction de logements destinés aux policiers et aux personnes déplacées internes, ainsi que vers le renforcement du système de santé haïtien. Durant sa visite, le président du CPT a rencontré plusieurs hauts responsables qataris, dont le Premier ministre et ministre des Affaires étrangères, Cheikh Mohammed bin Abdulrahman bin Jassim Al-Thani. Les échanges, qualifiés de « cordiaux et constructifs », ont permis de réaffirmer la volonté du Qatar de renforcer sa coopération avec Haïti, notamment dans les domaines sécuritaire et humanitaire. « Les autorités du Qatar m’ont assuré qu’elles travailleraient aux côtés des États-Unis pour appuyer le déploiement de la force internationale chargée de lutter contre les gangs », a déclaré Laurent Saint-Cyr. Le dirigeant haïtien a également profité de sa participation au Deuxième Sommet mondial pour le développement social pour défendre la cause d’Haïti à la tribune internationale. Il a plaidé en faveur d’une mobilisation accrue de la communauté internationale et souligné l’importance de rendre rapidement opérationnelle la Mission de soutien à la sécurité (GSF). « Le développement social que mérite notre peuple exige avant tout la paix, la stabilité et la sécurité », a-t-il affirmé. Par ailleurs, Laurent Saint-Cyr a rencontré Mgr Eugene Nugent, Nonce apostolique auprès du Qatar, ancien représentant du Saint-Siège en Haïti. Les discussions ont porté sur la nomination rapide d’un nouveau Nonce apostolique à Port-au-Prince et sur la possibilité d’organiser, avec le soutien du Vatican, une Conférence internationale de solidarité pour Haïti. Le président du CPT a insisté sur le rôle historique de l’Église catholique comme acteur de dialogue et de paix dans la vie nationale. À travers ce voyage, Laurent Saint-Cyr entend consolider les partenariats stratégiques nécessaires pour redonner à Haïti les moyens de sa stabilité et de sa reconstruction.

Record d’expulsions, record de honte : un président dominicain sans mémoire

Plus de 300 000 Haïtiens expulsés en dix mois. Trois cent mille vies piétinées, et un président dominicain, fils d’immigrés, qui semble avoir la mémoire d’un poisson rouge quand il s’agit de compassion. Ironie cruelle : celui dont les ancêtres ont franchi des frontières pour survivre traite désormais les Haïtiens comme des intrus indésirables. Officiellement, la hausse de 72 % des expulsions serait due aux « patrouilles renforcées » et aux opérations conjointes de police et d’armée. En réalité, c’est un festival de cruauté organisée, avec des rafles arbitraires, des familles arrachées à la hâte, et des enfants séparés de leurs mères comme des numéros sur un registre. On dirait que la dignité humaine est devenue un luxe que le président n’a jamais pu se permettre. À Ouanaminthe, Belladère et dans les villages frontaliers, les rapatriés arrivent épuisés, affamés et humiliés, tandis que les autorités haïtiennes regardent la scène comme si c’était un feuilleton à la télévision. Le drame humain se transforme en spectacle de passivité : le silence officiel devient complice, et la misère, un décor pour la politique de l’indifférence. Ironie historique : un président dont les ancêtres ont cherché une vie meilleure refuse désormais le même droit aux autres, préférant exhiber son arrogance comme un trophée national. La frontière est devenue un ring où l’humanité se fait battre à mains nues, et le cynisme est désormais l’unique stratégie de gouvernement. Pendant que les chiffres gonflent dans les rapports dominicains, la véritable tragédie humaine est effacée. Expulser des centaines de milliers de personnes n’est pas un exploit de sécurité, c’est un acte de mépris d’État, une insulte à l’histoire, et un rappel cruel que la politique peut être un outil de terreur pour ceux qui ont oublié leur passé. Et que dire du président et de ses conseillers ? Ils semblent croire que la frontière est un terrain de jeu pour leur arrogance. Haïti n’est pas un décor pour leurs expériences de pouvoir ; ce sont des vies humaines qu’ils piétinent avec des chaussures bien cirées. Ceux qui oublient leurs racines devraient méditer : l’histoire ne pardonne pas l’oubli, et la mémoire du peuple est infiniment plus longue que leur courte arrogance.

Affaire Jovenel Moïse : la cour d’appel de Port-au-Prince relance l’instruction

Quatre ans après l’assassinat du président Jovenel Moïse, la cour d’appel de Port-au-Prince a ordonné un supplément d’enquête, jugeant que l’instruction menée jusque-là ne permettait pas d’établir la vérité dans toute sa complexité. Cette décision, rendue après plusieurs semaines d’audiences, annule l’ordonnance du juge instructeur Walter W. Voltaire, datée du 25 janvier 2024. Les magistrats ont estimé que plusieurs aspects essentiels de l’enquête restaient à explorer. « Cette décision montre que la vérité est encore loin d’être établie », confie une source judiciaire proche du dossier. « Le travail du juge d’instruction devra désormais répondre à toutes les questions laissées en suspens depuis quatre ans. » Une enquête à compléter sur les aspects financiers et techniques La cour demande que soient réunis tous les éléments susceptibles de clarifier le rôle de chacun des inculpés, à charge comme à décharge. Le nouveau volet de l’instruction vise notamment à : Retracer les flux financiers ayant servi à préparer l’opération, identifier les numéros de téléphone utilisés par les suspects et obtenir leurs relevés d’appels entre avril et août 2021, et faire appel à des experts indépendants chargés d’analyser les données techniques recueillies. Selon la décision, l’objectif est de mener « tous les actes d’instruction nécessaires à la manifestation de la vérité ». Maintien en détention et poursuite des fugitifs Les juges ont également ordonné le maintien en détention des inculpés déjà emprisonnés, rejetant les demandes de libération de Marky Kessa, Joseph Félix Badio et des 17 Colombiens poursuivis dans cette affaire. La cour a en outre exigé que les inculpés en cavale soient activement recherchés et incarcérés dans les prisons du lieu de leur arrestation. Pour conduire cette nouvelle phase, le magistrat Cyprien Jn F. Denis Pierre, membre de la cour d’appel, a été désigné juge instructeur. Des appels partiellement recevables Sur le plan procédural, la cour a déclaré irrecevable l’appel de Joverlein Moïse, fils du président assassiné, en raison du non-paiement de l’amende d’appel. Celui de Léon Charles, ancien directeur général de la Police nationale d’Haïti, a également été rejeté pour vice de forme. En revanche, la juridiction a reconnu recevables les recours déposés par plusieurs personnalités, dont Martine Moïse, Claude Joseph, Louis Edner Gonzague Day, Renald Lubérice, Ardouin Zéphirin, ainsi que les 17 ressortissants colombiens. Une décision attendue dans un dossier emblématique Rendue le 13 octobre 2025, sous la présidence du juge Emmanuel Lacroix, assisté de Phémond Damicy et Cyprien Jn F. Denis Pierre, la décision a été prononcée en présence des commissaires du gouvernement Claude Jean et Rocky Pierre. Pour plusieurs observateurs, cette relance de l’enquête traduit la volonté de rompre avec les lenteurs et les zones d’ombre qui entourent le dossier depuis 2021. « Le pays attend des résultats concrets. L’assassinat d’un président ne peut pas rester sans justice », déclare un avocat au barreau de Port-au-Prince, qui suit le dossier de près. Un dossier à la portée politique majeure Le président Jovenel Moïse avait été abattu dans la nuit du 7 juillet 2021 à sa résidence de Pèlerin 5, dans des circonstances encore floues. Ce meurtre, d’une violence inédite, a plongé Haïti dans une crise politique, institutionnelle et sécuritaire profonde, accentuée par la multiplication des groupes armés et la paralysie de la justice. Depuis, plusieurs enquêtes parallèles ont été ouvertes, notamment aux États-Unis, où certains suspects sont poursuivis pour conspiration et financement du complot. Vers une possible reprise du procès en Haïti La décision de la cour d’appel rouvre la porte à une reprise complète de l’instruction, sous la supervision du nouveau juge désigné. Reste à savoir si ce supplément d’enquête permettra enfin de lever le voile sur les commanditaires de l’attentat et de répondre à la question que tout le pays se pose : qui a tué Jovenel Moïse, et pourquoi ?

Emmanuel Vertilaire hué et traité de “mimi” : quand le Karibe devient un one-man-show involontaire

Le Karibe Convention Center a vécu hier un grand moment de... comédie politique. Le conseiller présidentiel Emmanuel Vertilaire, invité à parler de bonne gouvernance (oui, vous avez bien lu), a été accueilli par un tonnerre de huées et un concert de “Mimi ! Mimi !” lancés avec la ferveur d’un carnaval improvisé. Ce sobriquet, hérité d’une vieille affaire de corruption qu’il traîne comme un parfum persistant, a transformé son discours en séance de stand-up involontaire. À voir la scène, on aurait dit un sketch : un homme parlant d’intégrité pendant que la salle entière éclate de rire. Même les chaises semblaient gênées. L’ironie d’un système qui ne se regarde plus dans le miroir Il fallait oser. Faire venir un inculpé pour détournement de fonds dans un programme consacré à la moralité politique, c’est comme inviter un pyromane à donner un atelier sur la prévention des incendies. Les organisateurs, visiblement surpris que la salle ne se mette pas à prier, ont tenté d’appeler au calme. Peine perdue. Le public, hilare, a transformé le Karibe en tribunal populaire avec verdict immédiat : coupable d’indécence symbolique. “Mimi” : un simple mot, tout un résumé Dans le dictionnaire politique haïtien, “mimi” vient d’entrer comme synonyme de duplicité assumée. C’est doux à l’oreille, mais terriblement piquant. Et quand un peuple se met à rire de ses dirigeants, ce n’est pas toujours par humour : c’est souvent par fatigue. Fatigue de voir les mêmes visages venir donner des leçons sur des vertus qu’ils ne pratiquent jamais. Silence radio du côté du Palais Comme souvent, ni M. Vertilaire ni le gouvernement n’ont commenté la scène. Peut-être qu’ils préparent une “formation express” sur comment rester digne après un bain de sarcasme collectif. En attendant, le peuple rit. Un rire amer, certes, mais libérateur. Le Karibe ou le carnaval de la conscience Hier, ce n’était pas une conférence politique, mais un carnaval de contradictions : un politicien décrié prêchant la vertu, un public moqueur plus lucide que la République, et un État qui, entre deux silences, regarde le ridicule se dérouler comme un spectacle. En Haïti, la comédie politique n’a pas besoin de scénariste il suffit d’une scène, d’un micro, et d’un “mimi” bien placé.

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